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À première vue, rien ne permet de différencier le Tug 21 des autres remorqueurs en service dans le port d’Anvers-Bruges, en Belgique. Avec sa timonerie rouge vif et blanche perchée au-dessus d’une coque ronde et noire, il se fond facilement dans la masse des nombreux remorqueurs qui guident sans relâche les navires dans le port animé. Mais si vous jetez un coup d’œil sous le pont, vous y trouverez l’avenir du transport maritime.
Le transport par voie d’eau est vital pour l’économie européenne. Plus de 75 % du commerce extérieur de l’Europe et 35 % des échanges entre les États membres de l’UE s’effectuent par mer, rivière, canal ou lac. Cette navigation s’accompagne d’une empreinte carbone considérable: le secteur est responsable de 13,5 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre liées au transport en Europe, un chiffre qui devrait augmenter proportionnellement à la demande de transport maritime.
Si l’Europe veut atteindre l’objectif de son pacte vert de devenir le premier continent neutre en carbone d’ici 2050, elle doit réduire l’impact environnemental du transport par voie d’eau, tout en veillant à ce que ces efforts contribuent au développement d’un secteur maritime moderne et compétitif à l’échelle mondiale.
«Nous devons nous éloigner des combustibles fossiles, et tout le monde est d’accord sur ce point», déclare Sebastian Verhelst, coordinateur du projet FASTWATER et professeur de moteurs à combustion interne à l’université de Gand (Belgique) et à l’université de Lund (Suède). «Toutefois, si l’on considère le transport maritime en général, il ne fait aucun doute que l’électrification ne sera possible que pour certaines applications de niche.»
Des actifs liquides
Le défi est de taille. Le transport maritime mondial consomme environ 200 millions de tonnes de carburant par an, dont des fiouls légers et lourds, du diesel et du gaz naturel liquéfié (GNL). La décarbonation du secteur nécessite une source d’énergie tout aussi abondante. «Nous avons besoin de grandes quantités de carburant, et si l’on considère les sources d’énergie renouvelables évolutives, il s’agit essentiellement de l’énergie éolienne et de l’énergie solaire», ajoute Sebastian Verhelst.
Ces énergies sont bon marché et abondantes. L’électricité qu’elles produisent peut être utilisée pour lier l’eau et le CO2 de l’air au méthanol, transformant ainsi l’énergie électrique en énergie chimique.
Contrairement à l’hydrogène, qui est également présenté comme un carburant vert potentiel, le méthanol est liquide à température ambiante, ce qui en fait une option idéale pour les petits navires qui ne peuvent accueillir des réservoirs à haute pression ni assurer un stockage cryogénique. En outre, le méthanol est une matière première industrielle courante, ce qui signifie que de nombreuses installations portuaires disposent déjà de l’infrastructure requise pour transporter et stocker le carburant.
Bien que les navires fonctionnant au méthanol existent depuis près de dix ans, cette technologie n’était jusqu’alors accessible qu’aux grands navires de haute mer. «Des milliers et des milliers de navires plus petits naviguent dans les ports européens et autour des côtes européennes, et nous n’avions pas de solution pour eux. Il leur fallait une technologie de moteur différente», explique Sebastian Verhelst. Le projet FASTWATER entendait démontrer la faisabilité du méthanol en tant que carburant durable pour les petits navires.
Des solutions propres
Le projet FASTWATER s’est concentré sur le développement de solutions techniques pour convertir les moteurs de navires au méthanol, en s’appuyant sur les travaux réalisés par les projets LeanShips et HyMethShip du programme Horizon. Ils ont ainsi créé le Tug 21 (également connu sous le nom de Methatug), le premier remorqueur au monde fonctionnant au méthanol.
Alimenté par des moteurs bicarburants utilisant du diesel conventionnel comme carburant pilote et fonctionnant avec jusqu’à 80 % de méthanol, le navire de 30 mètres de long est assez puissant pour remorquer 50 tonnes et peut stocker 12 000 litres de méthanol dans sa coque, ce qui est suffisant pour deux semaines de travail.
Utilisant du méthanol produit de manière renouvelable, le navire réaménagé réduit de 80 % ses émissions de gaz à effet de serre et de 80 % sa pollution particulaire, ce qui le rend plus respectueux de l’environnement et des personnes qui vivent et travaillent à proximité. De plus, la chimie du méthanol permet de considérablement diminuer les émissions d’oxyde de soufre (SOx) et d’oxyde d’azote (NOx).
Outre Methatug, le projet FASTWATER a également modernisé un bateau-pilote en Suède ainsi qu’un navire de garde-côtes en Grèce, et a élaboré un concept de conversion pour un bateau de croisière fluviale fonctionnant au méthanol en Allemagne. Après une analyse minutieuse des performances de ces navires, Sebastian Verhelst et ses collègues prévoient de poursuivre le développement de leurs solutions à base de méthanol en vue de leur commercialisation. «Nous espérons et attendons maintenant que les navires plus petits puissent commencer à fonctionner au méthanol», note Sebastian Verhelst.
Le projet a été coordonné par l’université de Lund en Suède, avec le soutien du port d’Anvers-Bruges, de l’université de Gand, de l’administration maritime suédoise et de partenaires spécialisés en Belgique, en Allemagne, en Grèce, en Suède et au Royaume-Uni.
Alors que le transport par voies de navigation intérieure et maritimes devrait augmenter de 25 % d’ici à 2030, l’empreinte carbone du secteur continuera de croître en l’absence de nouvelles technologies et réglementations. Les projets Horizon comme FASTWATER sont essentiels, non seulement pour écologiser les flottes des différents ports, mais aussi dans le cadre d’efforts plus larges visant à atteindre les objectifs de l’UE en matière de neutralité climatique d’ici à 2050. En testant des solutions innovantes pour rendre le secteur du transport maritime plus écologique, nous pouvons obtenir des résultats positifs pour l’environnement, les entreprises et les citoyens.