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Arriver dans un nouveau pays peut être une expérience très déroutante. Confrontés à des systèmes complexes et ésotériques dans des langues qu’ils ne comprennent pas, les migrants font souvent face à d’immenses difficultés pour accéder aux services publics. D’autant plus que ces services auxquels ils tentent d’accéder ont généralement été conçus pour répondre à des exigences organisationnelles plutôt qu’aux besoins des citoyens.
«La plupart du temps, les procédures liées aux services administratifs ne fournissent pas d’informations complètes et claires ou, lorsque c’est le cas, elles ne s’adressent pas à tout le monde», explique Grazia Concilio, coordinatrice du projet EASYRIGHTS et professeure d’urbanisme au sein du département d’architecture et d’études urbaines de l’École polytechnique de Milan, en Italie. Trouver un emploi, un logement, s’enregistrer en tant que citoyen résident: il s’agit souvent de procédures compliquées et intriquées qui peuvent devenir un véritable parcours du combattant.
C’est pour remédier à cela que le projet EASYRIGHTS, financé par l’UE, a cocréé une série de nouveaux outils pour aider les migrants à interagir avec les services et les procédures, dans quatre villes d’Europe: Birmingham au Royaume-Uni, Larissa en Grèce, Malaga en Espagne et Palerme en Italie. Il s’agit notamment de solutions numériques qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement des procédures administratives et apportent différentes ressources linguistiques à court et long terme. Le projet a par ailleurs proposé une nouvelle norme pour les services publics, qui a pour objectif de consolider un niveau de droits établis pour les migrants dans l’ensemble de l’UE.
«Le défi, ainsi que la beauté d’EASYRIGHTS, consistait à cocréer les différentes solutions en intégrant une vaste palette d’utilisateurs finaux», souligne Maryam Karimi, chercheuse postdoctorale également rattachée à l’École polytechnique de Milan. Ces outils s’adressent autant à des mineurs non accompagnés qui vivent dans des centres d’accueil, qu’à des demandeurs d’asile récemment arrivés dans des camps de réfugiés ou encore à des chauffeurs de taxi émigrés.
S’attaquer aux obstacles grâce à des outils intelligents
Le premier objectif d’EASYRIGHTS consistait à éliminer les barrières linguistiques lors des procédures administratives. L’équipe a ainsi mis au point un agent EASYRIGHTS: ce nouvel outil de traitement du langage naturel, qui s’appuie sur l’intelligence artificielle et fonctionne sur Telegram, constitue un guide simplifié des services existants.
Il absorbe des informations provenant d’une série de documents publics et de formulaires de demande, puis délivre des messages clairs sur la procédure qu’un migrant doit suivre: délais spécifiques à respecter, par exemple, ou comment obtenir un rendez-vous, ou encore quel certificat est nécessaire dans une situation donnée.
Le chatbot propose aussi des exercices de vocabulaire et de prononciation pour aider les nouveaux arrivants à utiliser les services de manière plus efficace. Le chatbot prend en charge dix langues: italien, anglais, espagnol, grec, français, arabe, bengali, farsi, ourdou et ukrainien. Il peut également renvoyer les utilisateurs vers les conseils et le soutien offerts par d’autres solutions EASYRIGHTS.
Pour concevoir ces outils, le projet EASYRIGHTS a organisé plusieurs hackathons qui ont conduit à la cocréation de nouvelles solutions pour les migrants et les fonctionnaires du secteur public, ainsi qu’à l’élaboration d’un ensemble de dispositifs qui traitent les questions locales essentielles pour les migrants. Ils sont en cours d’intégration dans les services municipaux existants.
«Dans l’un des projets pilotes, des problèmes se posent, par exemple, en raison de l’écart linguistique lors de l’enregistrement des nouvelles naissances, car les modèles sont évidemment en grec. Or, si vous venez d’un pays arabe, cela peut s’avérer totalement incompréhensible», souligne Grazia Concilio.
Définir une nouvelle norme
EASYRIGHTS a, en outre, élaboré une «Grammaire de la médiation», une norme de niveau de services qui vise à garantir des droits à l’information adéquats pour les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés arrivant dans un État membre de l’UE.
L’objectif de cet outil est d’assurer la qualité de la médiation entre les migrants et leurs droits. L’approche s’appuie sur trois «piliers»: l’accessibilité linguistique, l’adéquation de l’information et l’actualisation des droits.
«Ce que nous fournissons ici est une description structurée des conditions qui illustrent l’expérience de l’utilisateur par rapport à ces trois piliers», explique Grazia Concilio. «Pour nous, l’idée n’est pas de demander aux prestataires d’utiliser une liste de contrôle pour évaluer leurs services, mais plutôt de garantir aux utilisateurs une expérience facile et concluante.»
Avec le soutien de l’UNI, l’organisme national italien de normalisation, la Grammaire de la médiation fait actuellement l’objet d’ateliers organisés via le CEN, le Comité européenne de normalisation. À la suite de ce processus, un document présentant les objectifs et concepts clés de la norme ainsi que plusieurs outils pratiques sera formalisé.