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Les peptides sont les plus petits fragments de protéines, constitués de quelques modules d’acides aminés. Comme les protéines elles-mêmes, ils ont développé des fonctions spécialisées, notamment des activités antimicrobiennes, de signalisation et hormonales.
Le projet BISON, financé par l’UE et soutenu par le Conseil européen de la recherche, a recherché le plus petit arrangement peptidique auto-organisé capable de présenter des propriétés physiques intéressantes pour une série d’applications fonctionnelles, notamment l’électronique biosourcée.
«Nos assemblages bien ordonnés, stables à haute température, nous rapprochent un peu plus de l’ère de l’électronique organique. Ce domaine n’en est qu’à ses débuts et nos résultats contribuent déjà à lui donner forme», déclare Ehud Gazit, coordinateur de BISON à l’Université de Tel Aviv, hôte du projet.
Explorer les caractéristiques des peptides
Se concentrant sur les assemblages de peptides comprenant seulement deux ou trois acides aminés, l’équipe du projet BISON a eu recours à la cristallographie aux rayons X pour caractériser le processus d’auto-assemblage des peptides. De plus, une plateforme microfluidique a été utilisée pour démontrer, pour la première fois, l’expansion et la contraction des nanostructures peptidiques, fournissant ainsi des informations sur leurs changements physiques.
L’équipe a également utilisé la microscopie électronique, la microscopie à force atomique, la spectrométrie et la spectroscopie – complétées par des techniques de calcul – pour étudier l’auto-assemblage des blocs de construction peptidiques en temps réel.
Cela a conduit à un certain nombre de découvertes révolutionnaires, telles que le rendement quantique (efficacité de l’émission de lumière) le plus élevé jamais signalé pour des assemblages de peptides. Inspirée par cette trouvaille, l’équipe a développé des antennes microsphériques capables d’absorber la lumière du soleil pour une photosynthèse artificielle, démontrant ainsi le potentiel de la nanotechnologie peptidique pour la collecte et le stockage de l’énergie.
Sur le plan médical, un nouveau tripeptide qui se comporte comme le collagène a été découvert. «C’était contre-intuitif car tous les autres peptides forment des assemblages structurés en forme de feuilles», explique Ehud Gazit. «Accueillant la surprise à bras ouverts, nous avons conçu le peptide pour fabriquer des assemblages rigides avec des propriétés piézoélectriques élevées.»
Cette piézoélectricité – la conversion de l’énergie mécanique en courants électriques – est très prometteuse. Comme la plupart des matériaux piézoélectriques sont à base de plomb, ils sont toxiques pour le corps humain, ce qui exclut leur utilisation dans les dispositifs biomédicaux implantés. Les assemblages peptidiques de BISON pourraient convertir l’énergie mécanique des mouvements corporels en énergie électrique pour alimenter en toute sécurité des dispositifs médicaux tels que des stimulateurs cardiaques, des pompes à insuline et des valves artificielles.
Des assemblages pertinents pour les hydrogels conducteurs ont également été identifiés, ce qui a donné lieu à un modèle de dipeptide présentant la plus faible concentration critique de gélification (la concentration minimale pour laquelle une substance dissoute peut former un gel) jamais signalée. Pour le projet BISON, elle était 3 500 fois inférieure à celle de la gélatine, à 0,002 %. Ce résultat ouvre la porte à des applications d’ingénierie tissulaire et de régénération.
La découverte que les assemblages de peptides restent stables à des températures supérieures à 400 °C a été déterminante pour toutes les applications. «On suppose toujours que les matériaux bio-inspirés sont intrinsèquement instables, mais nos assemblages pourraient se révéler encore plus stables que les matériaux inorganiques», ajoute Ehud Gazit.
La capacité de créer différents arrangements structurels est également essentielle pour les applications futures. À cette fin, l’équipe a conçu un bloc de construction tripeptidique qui pourrait former des nanofils, des nanofibres et des nanosphères.
Vers des blocs de construction biologique encore plus petits
La plupart des produits développés par l’industrie optoélectronique utilisent des matériaux métalliques qui nuisent à la planète, car ils sont polluants lors de leur fabrication et de leur extraction, et ne sont pas dégradables en tant que déchets. Le travail continu de BISON offre des alternatives respectueuses de l’environnement qui contribuent à une économie plus verte.
Afin de continuer à développer les applications biologiques prometteuses, l’équipe a déjà obtenu un financement de l’UE pour deux projets de validation de principe: PiezoGel pour améliorer les cultures cellulaires en 3D, notamment pour la régénération des tissus, et PepZoSkin pour explorer la création d’une peau électronique.
«La prochaine étape consistera à appliquer nos connaissances à la nanotechnologie des métabolites, en travaillant avec des molécules bio-organiques encore plus petites, comme les acides aminés, les vitamines et les nucléobases, en combinant la puissance des nanotechnologies des peptides et de l’ADN pour développer la technologie des acides nucléiques peptidiques (ANP)», note Ehud Gazit.
L’équipe s’est associée à l’Université Johannes Kepler de Linz, en Autriche, et à l’institut de technologie Technion d’Israël, pour faire progresser la technologie vers sa commercialisation.