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À première vue, tout oppose la nature et les appareils électroniques. Que peuvent donc bien avoir en commun les grands espaces avec des smartphones et des télévisions LED?
Selon une équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge, la réponse est «beaucoup».
«Dans la nature, lorsque le soleil touche une feuille, il déclenche la photosynthèse, qui consiste essentiellement en une cascade de processus électroniques qui servent à convertir et à stocker l’énergie», explique Florian Auras, l’un des chercheurs. «Étant donné qu’un processus très similaire se trouve au cœur des dispositifs modernes, nous pouvons apprendre beaucoup de choses en étudiant la nature.»
Grâce au projet EXMOLS, financé par l’UE et soutenu par le Conseil européen de la recherche, l’équipe de l’Université de Cambridge travaille en ce sens. «Nous savons que dans la nature le processus de transformation de la lumière en énergie est extrêmement sophistiqué et implique des architectures élaborées composées de dizaines, voire de centaines de molécules», poursuit Florian Auras. «Malheureusement, nous ne sommes pas encore en mesure de répliquer des architectures aussi étendues et électroniquement actives en laboratoire.»
Mais la donne pourrait bientôt changer grâce à de nouveaux outils et méthodes synthétiques développés par le projet EXMOLS. «Il est essentiel de comprendre ce qui rend la photosynthèse si efficace pour créer des dispositifs électroniques plus économes en énergie», ajoute Florian Auras. «Ces nouveaux outils et méthodes nous aideront à acquérir ces connaissances.»
Inspiré par la nature
S’inspirant de la photosynthèse naturelle, le projet a développé une méthode pour créer des structures électroniques avec une précision moléculaire. Ainsi, le photosystème d’une plante recourt à des échafaudages de protéines afin de regrouper des molécules actives et de les transformer en une structure électronique opérationnelle. En reproduisant ce processus, les chercheurs d’EXMOLS ont mis au point une technique qui utilise de l’ADN synthétique modifié pour assembler des semi-conducteurs moléculaires photoactifs.
«Chaque brin d’ADN forme une structure hélicoïdale double unique et bien définie avec sa séquence complémentaire», explique Jeffrey Gorman, le spécialiste en ADN du projet. «Notre technique utilise le même assemblage très prédictif pour générer de plus grandes structures et créer des semi-conducteurs dans des empilements bien définis, augmentant ainsi l’efficacité globale.»
Les chercheurs, désormais en mesure de contrôler précisément l’assemblage de semi-conducteurs, se sont ensuite consacrés à la construction de circuits électroniques en recourant à plusieurs molécules différentes, dont la majorité ne se combineraient pas en temps normal. Ils peuvent ainsi concevoir de nouvelles nanoarchitectures dotées de propriétés électroniques prédéterminées.
L’autre invention importante du projet a été une installation de spectroscopie laser ultrarapide qui permet d’observer les processus électroniques incroyablement rapides qui surviennent au niveau moléculaire.
Comme l’explique Florian Auras, grâce à la nouvelle installation de spectroscopie laser, les chercheurs peuvent utiliser des impulsions laser extrêmement brèves afin de photoexciter des échantillons et ensuite réaliser des instantanés des états électroniques à différents moments. «Nous pouvons désormais suivre l’évolution des états excités avec une résolution temporelle extrêmement élevée», souligne-t-il.
Vers des dispositifs électroniques plus efficaces
Mais quel est le lien avec votre télévision?
«Les données recueillies dans le couplage électronique entre les molécules des semi-conducteurs ouvrent la voie à la création de nouveaux matériaux efficaces pour les LED utilisées dans nombre de nos appareils du quotidien», explique Florian Auras. «Pour votre télévision, cela signifie la création d’un pixel lumineux d’un bleu profond capable de fonctionner à basse tension et avec moins d’électricité.»
Florian Auras ajoute également que les travaux du projet pourraient mener à des panneaux solaires plus efficaces. «En intégrant les architectures de semi-conducteurs d’EXMOLS, les panneaux solaires pourraient être en mesure de convertir la lumière du soleil en un spectre plus respectueux des cellules solaires», poursuit-il.
Que ce soit en créant des smartphones plus efficaces sur le plan énergétique ou en encourageant l’adoption de l’énergie solaire renouvelable, la recherche d’EXMOLS fait un pas de plus vers l’avenir durable projeté par le pacte vert pour l’Europe.
«S’inspirer de processus naturels comme la photosynthèse nous permet, en tant que société, de devenir plus efficaces sur le plan énergétique», conclut Florian Auras. «Et en devenant plus efficaces, nous pouvons mieux protéger la nature qui nous a illuminés au départ — ça, c’est la durabilité en marche.»